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Le coin philo de PG
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  • Diverses réflexions à caractère philosophique de la part d'un non-philosophe, et qui ne sont pas des leçons ! Ce blog de Patrice GOEURIOT contient des textes originaux sur le thème de la philosophie qui demandent l'autorisation de l'auteur pour être cités.
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Apologie du chaos

Apologie du chaos


Pic de la Mirandole à la fin du XV ième siècle a explicité le mythe de Prométhée écrit par les mythographes plusieurs siècles avant JC ; ceux-ci voyaient un monde complexe mais parfaitement réglé, voire harmonieux par la complémentarité des espèces animales et végétales, tandis que l’Homme de Prométhée apparaissait comme un élément d’instabilité due à sa liberté de choisir et donc à l’indétermination de son avenir. C’est à cause de ce chaos potentiel que Zeus, instigateur du calme olympien, ne supporta pas le risque du retour du chaos et qui le conduisit à condamner Prométhée.
Mais, comment pouvoir décliner cette liberté issue de l’intelligence volée à Athéna ? Schopenhauer nous donne les clés de cette question fondamentale par l’interprétation du concours musical entre Apollon et Midas. En fait, malgré la victoire de Zeus sur le dieu Chaos, le chaos est toujours là, invisible et latent, irrationnel et imprévisible, incontrôlable mais plein de ressources telle la lave du volcan, destructrice puis féconde par les minéraux qu’elle apporte à la terre. C’est le « monde de la Vérité », laquelle est informe, indéfinie, virtuelle et dans lequel l’Homme doit y extraire des morceaux de puzzle et les faire remonter dans « le monde de la représentation » ou de la « quotidienneté » afin de les harmoniser pour en faire une oeuvre harmonieuse, nouvelle, inattendue. Comme pour le principe d’incertitude en physique quantique, l’Homme est quelque part entre chaos et harmonie, et il est lui-même chaos et harmonie.
Cette extraction du flou vers la clarté, de l’apeiron vers l’ordre, est réducteur de l’entropie du monde et c’est cela qui la rend possible.
Par l’utilisation de modèles mathématiques nous sommes capables de mieux cerner quelques aspects du fonctionnement du monde mais nous n’inventons rien. La vraie découverte est celle qui sera le résultat du puisement dans l’univers du chaos, et là, la méthodologie scientifique ne nous y aidera pas. La méthodologie scientifique nous aide dans le monde de la quotidienneté car là il existe des règles d’ordre que l’on peut trouver. La formation à la méthodologie scientifique, efficace pour la connaissance du monde de la représentation, sera sclérosante pour l’avènement de concepts nouveaux qui devront être sortis du magma formé par la Vérité dispersée. D’autres parts d’intelligence devront être trouvées pour accéder à plus sur l’infini chemin de la découverte de cette Vérité. Le monde du chaos est formé de cette Vérité, mais une Vérité démantelée, hachée menue en une infinité de fragments dispersés. L’apologie du chaos n’est pas l’apologie de l’anarchisme, tout au contraire. Le chaos est l’humus qui permet de créer dans le monde de la quotidienneté une réalité. Pour ce faire l’expérimentation est indispensable ; l’expérimentation scientifique bien sûr, mais toutes les expérimentations humaines jusqu’à celle de l’aventure ; qui rechercherait la perfection serait un piètre expérimentateur car l’échec est une part non réductible et fondamentale de l’expérimentation. Et vouloir la perfection serait inconsciemment ne pas aller là où c’est difficile, où l’erreur est aussi probable que constructive.
L’éducation exclusive par le rationalisme est indispensable pour comprendre le monde superficiel dans lequel nous croyons être, mais elle est totalitaire dans le cadre général de notre existence. On
ne pioche pas dans le chaos avec les mêmes outils que l’on apprend puis utilise dans le monde du quotidien. Il est donc indispensable de faire appréhender cette dimension chaotique dans notre éducation afin d’être en procession d’un éventail de moyens agrandi pour combler notre existence.
L’art nous donne peut-être une illustration de ce cheminement. Jusqu’à la fin du XIXième siècle, la peinture était figurative et même s’il s’agissait d’allégories, le trait était déterminé et net ; le mot figuratif est suffisamment explicite pour dire que l’on se trouve alors dans le monde de la représentation. Puis vinrent les impressionnistes qui se mirent à jouer avec la lumière en nous rendant leur vision, leur impression d’un paysage par exemple. C. Monet a peint de multiples fois les nymphéas et bien qu’il s’agisse de la même mare, il y eût différents rendus illustrant que la Vérité est complexe. Au XXième siècle vint l’art moderne ou contemporain, et là le choc ! Le pinceau de l’artiste n’était plus un appareil photo mais un mixeur à pixels. Entre le tout déstructuré et le parfaitement géométrique souvent inabordables dans un premier temps, les oeuvres nous interpellent avant même de pouvoir donner un diagnostic esthétique. L’artiste a réussi à faire ressortir de l’harmonie à partir d’un élément puisé dans le chaos, y être sensible ou pas est un autre débat, mais la qualité de l’oeuvre est reconnue. L’art contemporain illustre parfaitement ce dilemme harmonie-chaos et nous incite à admettre cette dualité. Dualité que l’on retrouve dans le Ying et le Yang, dans l’ombre et la lumière dont tout individu est emprunt.
Faut-il attendre 70 ans pour prendre conscience de cela grâce à un temps qui laisse du temps à la pensée? Non, c’est dans la formation de l’esprit des jeunes personnes qu’il faut apporter une autre dimension à celles qui sont habituellement données. Les mathématiciens pensent que l’usage des mathématiques structure l’esprit de l’apprenant, non il le formate et cela est différent. Le choix des matières étudiées se fait habituellement en fonction de penchants naturels, on est plutôt littéraire ou bien scientifique car nous n’avons pas conscience que la partie la plus riche de l’iceberg est immergée, invisible, et c’est pourtant là où l’on pourrait trouver potentialité donc créativité. On comprend mieux pourquoi Schopenhauer appelle ceci le monde de la Vérité, alors pourquoi le fuir, par faiblesse et manque d’ambition certainement, mais aussi par méconnaissance ? Avant d’aborder fonctions, dérivées et intégrales pourquoi donc ne pas commencer par l’équation de la vie ? La modélisation mythologique du monde est géniale, 30 longs siècles après son avènement Schopenhauer, Nietzsche, Weber…… la décryptent mais les lycéens en majorité ne la connaissent pas ; pourtant ce ne doit pas être un espace réservé aux seuls intellectuels. L’Humanité avance vraiment très doucement !.....

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