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Le coin philo de PG
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  • Diverses réflexions à caractère philosophique de la part d'un non-philosophe, et qui ne sont pas des leçons ! Ce blog de Patrice GOEURIOT contient des textes originaux sur le thème de la philosophie qui demandent l'autorisation de l'auteur pour être cités.
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Le nombril

Le nombril
Vestige malheureux de l’aqueduc ombilical, le nombril est le centre névralgique de l’activité humaine.
C’est une terre fertile à la culture du narcisse !
Que le regard soit porté haut ou bien que la tête soit baissée, c’est toujours le nombril qui est en ligne de mire. Au « voyez qui je suis » ou à la lamentation de ne pas paraître celui que l’on aurait voulu être, c’est le nombril qui donne le cap. Coupable de la rupture il a muté d’un rôle physiologique à un rôle psychologique.
A bien y regarder il y a toujours une part d’auto-centrisme dans le comportement humain comme s’il s’agissait d’une autodéfense nécessaire à la survie de l’espèce, mais qui ruine les relations intra humaines. Le nombrilisme est-il un résidu dérivé de notre animalité originelle ? Le premier « souci » de l’animal est la survie de son espèce par l’intermédiaire de sa propre survie, duquel découle des rapports de force fondés sur l’idée que la puissance est le meilleur moyen de transmettre les facteurs indispensables pour lutter contre l’adversité (voir Darwin). Même s’il existe quelques exemples de sociétés animales, il n’y a pas d’équivalent animal à l’Humanité. Tout au long de son évolution l’Homme a développé progressivement cette notion d’Humanité en abandonnant volontairement un peu de sa souveraineté à ce nouvel ensemble. Mais l’homme –contrairement à l’animal- à la conscience de soi. Il peut revendiquer une identité propre et ne pas vouloir se noyer résolument dans cette Humanité. Il n’est pas cette abeille ouvrière parfaitement échangeable et inexorablement loyale à l’institution. Il est individu avant même d’être membre d’une collectivité. Pour éviter cette noyade précitée il lui est donc nécessaire d’affirmer son individualité, sa spécificité. Par instinct il préfère se situer dans un repère dont le centre des coordonnées et les axes sont définis par lui-même, histoire de paraître au mieux dans le repère plus large de l’Humanité, car c’est l’image que l’on se fait de lui qui le hante. Dans toutes les situations rencontrées il préfère paraître qu’être. Il n’agit pas pour agir, il agit pour espérer sournoisement une glorification, même pour des actes non héroïques. Paradoxalement ceux qui sont capables d’actes héroïques, dans ces moments
particuliers, sont capables d’agir pour une cause quasi universelle qui dépasse leur personne. Les Justes du Chambon sur Lignon n’ont pas agi pour marquer l’Histoire, ils ont seulement sauvés des enfants.
Qu’il soit un prophète ou un dieu, là n’est pas la question du moment, Jésus Christ avait pourtant exhorté les Pharisiens en leur recommandant de ne pas faire l’aumône seulement pour se faire remarquer. Et pour y arriver il leur donna sa solution : trouver l’agapè venue du « Père » - mais cela déborde sur le domaine religieux ! Il ne nous est pas pourtant interdit de séculariser cette conception en l’interprétant philosophiquement. Nous avons en nous tous les leviers que nous devons déjà découvrir, puis actionner, c’est notre liberté prométhéenne. Dès lors, est-il vraiment impératif de se regarder le nombril pour exister ? N’est-on pas capable de faire simplement pour que cela soit fait, et d’être fier et satisfait de cet accomplissement ? Mais la satisfaction de soi doit être purement intérieure, nul n’est besoin de l’extérioriser pour se faire remarquer d’autrui. Quel avantage peut-on espérer d’agir ainsi ? Beaucoup pensent qu’il en est de notre salut et que si l’on espère l’éternité alors faut-il que notre vie terrestre soit irréprochable. Il s’agit là d’une erreur fondamentalement populiste et qui vient ternir le sublime message initial ! Au lieu d’encenser l’acte gratuit, on subordonne notre avenir extra-terrestre à une obéissance, voire une soumission, révérencieuse. Les religions ne nous donnent donc pas fondamentalement l’envie de ne pas se regarder le nombril. Mais l’acte gratuit n’est pas naturel à l’Homme, il demande un surpassement de soi. Dire que le sens de l’existence serait la réduction du gradient d’imperfection de l’Humanité, n’est pas non plus au quotidien une motivation efficace.
Faut-il pour autant abandonner son « égo » comme le suggère le bouddhisme particulièrement ? Tout dépendra de l’idée que l’on se fait de la construction mentale humaine et donc de ce que l’on entend par « égo ». Le « soi pensant » de Descartes ne définit qu’un cadre, l’objet de conscience de Sartres indique qu’il est le résultat de notre pensée et de notre vouloir, mais sur quelle base se construit-il ? Sur le faux-semblant de ce qu’on croit être (Comte-Sponville) et quelles spiritualités (musulmane et bouddhique) ? Mais quoi nous pousse au faux-semblant plutôt que vers la vraie nature de soi ? Nous trouvons donc des constats mais pas de diagnostiques sur l’origine de ce comportement. Puisque les philosophes disent qu’il n’y a pas de nature humaine il ne peut y avoir de
vraie nature, sinon que celle-ci soit le fondement pour ces spiritualités, ces religions. Le jeune enfant qui s’affirme, parfois violement, devant ses parents ou d’autres enfants qui l’entourent, n’a pas encore eu le temps de développer une pensée construite, quelle qu’elle soit, il est difficile de croire qu’il ait découvert un objet de conscience tel que l’égo. Il doit donc disposer génétiquement des éléments qui vont par la suite alimenter son expérience des autres et qui vont être les germes du développement de son égo. Dans une fratrie élevée de la même manière il y a autant d’égo que de personnages. De l’esquisse initiale de l’égo, le flou disparait au fur et à mesure de l’éducation et de l’expérience pour laisser la place à une représentation de la personnalité que l’on veut affirmer. L’égo sera alors le compromis satisfaisant de l’image que l’on croit la meilleure pour exister et qui sera réelle pour les autres ; il finira bien par être un objet de conscience. Mais est-ce un objet bien fini, bien poli, immuable et qui prend toute la place à l’intérieur de soi, ou bien existe-t-il une force intérieure plus forte capable de le remettre en cause au moins partiellement ? Et, si on exclue à priori que cette force soit d’origine divine, où la chercher, comment la stimuler, et dans quel but ?
L’Humanité n’est pas une illusion et si l’Homme n’est pas TOUT, il n’est certainement pas RIEN ! Dès lors que nous retenons cet axiome, nous pouvons développer une argumentation. Devant l’égocentrisme plus ou moins prononcé de chacun doit-on ne faire que le constat : il en est ainsi ! Il faudrait donc vivre avec ; ou bien nier l’individu pour le noyer dans une société nouvelle, collectiviste ? Les essais malheureux de cette dernière proposition ne poussent guère à un nouvel essai ! Mais, l’optimisation du « bilan énergétique » de diverses façons d’être pourrait permettre de se rendre compte que son individualité pourrait être –de façon inattendue au départ- plus développée dans un comportement altruiste plutôt qu’avec un regard autocentré. Le pari de l’altruisme serait payant collectivement, cela va de soi, mais aussi individuellement car la partie non résorbable du nombrilisme que nous portons y trouverait avantage puisque le regard des autres, tant attendu, serait – a priori- plus magnanime. L’Histoire le démontre, l’égoïsme se révèle être un moteur pour l’Humanité, l’égocentrisme ne sert à rien sinon à pourrir les relations intra-humaines. L’égocentriste montre un lourd handicap de cognition, comment donc échanger avec quelqu’un qui est le centre de tout ? Certes il s’agit là du cas extrême de cette pathologie mais nous avons chacun
en nous des relents égocentriques et nous en subissons, proportionnellement à leur amplitude, les conséquences plus ou moins malheureuses. Le problème est de savoir comment changer de paradigme. Le nombrilique n’est pas ouvert à faire le procès de ses attitudes puisqu’il pense qu’elles sont au mieux adapter à son existence au sein du groupe. Il faut donc, au plus tôt dans l’âge, faire prendre conscience qu’il faut avoir régulièrement un retour sur soi pour faire une autocritique, sans penser un instant que cet examen soit une faiblesse, mais au contraire de croire qu’il est une construction de soi. Il ne faut pas subir ce que l’on est dans l’instant donné, il faut le dominer en ayant la sagesse de l’ajustement permanent de soi. Il ne faut pas s’installer dans un système que l’on pense immuable (laïque ou religieux) et il faut en permanence savoir ne pas faire l’autruche et donc oser à se poser des questions, y compris sur soi. C’est philosopher direz-vous, ce mot effraie, alors n’étouffons pas l’étincelle par un mot, et commençons doucement en éradiquant cette mode du « selfy » devant un chef-d’oeuvre devenu secondaire, inconscient comble moderne du narcissisme ! Mais ne s’ouvrerait-il pas ainsi une société de « bisounours » qui conduirait à un calme olympien jadis si ennuyeux pour les dieux ? Le gradient de la réduction de nos imperfections est infini, le mouvement est donc perpétuel, et l’Olympe n’est donc pas pour demain ! Il n’empêche que s’affirmer autrement que par nombrilisme est possible et même enthousiasmant dès lors que la première barrière de potentiel : savoir et vouloir se remettre en cause, est franchie. C’est certainement un chemin adapté et non agressif pour trouver sa place dans le Cosmos comme le disait Homère ou Aristote….

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