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Le coin philo de PG
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  • Diverses réflexions à caractère philosophique de la part d'un non-philosophe, et qui ne sont pas des leçons ! Ce blog de Patrice GOEURIOT contient des textes originaux sur le thème de la philosophie qui demandent l'autorisation de l'auteur pour être cités.
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Destin et Destinée

Destin et Destinée
« Destin » et « Destinée » voici deux mots de la langue française que l’on croit frère et soeur et qui ne sont que cousins. Leur seul point commun est qu’ils font référence à quelque chose qui nous dépasse.
On peut en être certains, même des agnostiques ont déjà dit maladroitement : « c’était leur destinée ». Une destinée c’est une trajectoire prédéfinie, comme celle d’une fusée que les ingénieurs ont programmée. Si l’on croit, l’ingénieur en chef du projet « homme » c’est Dieu. Si Dieu est amour, comme le disent certaines religions, il est absurde de penser que nous ne serions que des pantins dont les ficelles seraient manoeuvrées d’en haut ! Non, il n’est pas possible que l’homme ne soit que le Pinocchio de Dieu. Certes nous avons en nous des éléments innés que l’Histoire humaine nous a fournis ; certes notre combinaison génétique hasardeuse nous prédispose, par exemple, à une certaine durée de vie, mais l’arbre mis sur la route de notre voiture n’est pas une destinée. Il est inutile de s’interroger sur ce qu’aurait pu être la production musicale de Mozart si celui-ci avait vécu plus de 39 ans. Il n’était pas dans le projet de Dieu d’enlever un génie à l’humanité si tôt, mais la création boulimique de Mozart s’est heurtée naturellement aux limites physiques de tout être –voilà tout. Comme la Foi, la Destinée est un mot énigmatique, pratique pour parler de quelque chose que l’on ne sait pas appréhender. Il est même parfois utilisé pour se dédouaner de toute responsabilité : après tout, c’est Dieu qui a décidé ! Si on admet le fait religieux, pour le mieux, il n’y a que les prophètes qui auraient eu une Destinée.
Le « Destin » est peut être encore plus énigmatique que la « Destinée ». Il correspond à des éléments de vie incontrôlés, qui jaillissent dont on ne sait où et qui nous affectent sans que nous les ayons réclamés. Notre liberté - celle de choix en particulier- ne laisserait apparemment pas de place à la notion de destin. Cette liberté « prométhéenne » n’est en fait seulement que celle que nous avons dans le monde de la représentation - de la quotidienneté - là où, comme chaque chose est à sa place, la logique de la démonstration cartésienne du duo cause-effet peut alors s’exercer. Pourtant, si on laisse de côté l’interprétation psychanalytique du mythe d’OEdipe, le Destin alors prend toute sa place. Mais d’où vient ce « Destin » si l’on s’extirpe de l’aspect mythologique ? Le monde de la représentation qui nous apparait à tous comme le monde du réel, n’est pourtant que superficiel, il n’est que la partie émergée de l’iceberg qui pour flotter a besoin d’une quille stabilisatrice mais déstabilisante pour notre esprit logique. En effet nous ne serions pas si nous n’étions que représentation. Que nous le croyons ou pas, nous sommes nourris, vitalement, par un autre monde celui que Nietzche appelle le monde de la Volonté sans lequel nous ne pourrions exister, c’est notre quille. A l’image de notre planète Terre, la croûte terrestre que nous voyions n’a qu’une épaisseur infime par rapport au magma chaotique de son centre, et quelques éruptions volcaniques viennent enrichir parfois la surface malgré leur apparence désastreuse. Le destin est l’une de ces éruptions. La liberté humaine n’est donc que relative, d’autres disent même qu’elle n’est qu’illusion. Mais alors, le Destin ne serait-il donc que fatalité, et donc à quoi bon faire des efforts si ceux-ci peuvent être anéantis par une force aussi irrésistible qu’imprévisible ? Si l’on sait que le monde du réel, défini, doit
s’enrichir d’empirisme, d’imprévu qui va entrainer un choix nouveau, de boursoufflures chaotiques : l’art contemporain par exemple, tout ceci émanant du monde de la Volonté, alors il y aura création et création est synonyme de vie donc d’espoir comme le dit un dicton. La vie ne peut être un long fleuve tranquille de type apollonien, c’est dans le remous du courant que vit mieux le poisson. N’espérer que la tranquillité, c’est déjà mourir un peu. Exister sans illusion sur un sens, à l’image des existentialistes, semble très réducteur ; mais exister en sachant ce que nous sommes permet d’éviter la lamentation sur notre sort et transforme le destin - même parfois malheureux - en force. En mécanique une force est liée inexorablement à un mouvement, il faut donc utiliser cette force pour se mouvoir car plus que la diversité, l’avenir humain est dans le mouvement de son esprit. Ne devenons pas des arthrosiques repentants d’une inactivité passée. Personne n’a un destin mais chacun peut croiser le destin. Bonaparte n’avait pas le destin de devenir Napoléon, De gaulle n’avait pas le destin d’appeler la France à résister, ils n’ont fait que rencontrer des situations qui ont révélé en eux le désir de l’action. Des millions de français subissaient aussi ces situations or eux seuls ont laissé un nom dans l’Histoire, ce n’est pas pour cela qu’il faut leur prêter un destin; c’est ce dont ils étaient construits qui leur a permis de dominer ces situations, à l’inverse de tous les autres. Et dans nos vies plus banales il en est ainsi également. Le « Destin » est un état immanent de toutes les situations que nous pouvons imager ou non d’ailleurs et qui se révèle lors d’une conjonction à faible probabilité d’existence de ces situations avec son « étant-propre ». Même si le monde de la Volonté est fondamental pour nos comportements, c’est dans le monde réel de la représentation, visible de tous, qui est le concret de notre quotidienneté puisque c’est dans celui que nous évoluons, que notre liberté affrontera le Destin qui ne devra être alors considéré ni tel un fardeau ni une chance, mais qui se transformera en notre propre construction.

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